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Mini AAR été 2018

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[L’Eté des Boxers] L'enfer sur les remparts

Rhysaxiel

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A la fin du XIXe siècle, la Chine est agitée par le mouvement Yihetuan surnommé par les Britanniques « Boxers » en raison de leur pratique des arts martiaux. Loin de se contenter de pratiquer le Kung Fu dans les jardins, le mouvement est animé d’un vaste sentiment anti-colonialiste et proto-nationaliste. Il nait et se propage dans le Shandong et le nord de la Chine, s’attaquant aux Chrétiens de Chine. Il atteint finalement Pékin, accompagné de slogans tels que « Soutenons le gouvernement Qing et exterminons les étrangers ». Face aux menaces, de nombreux européens et chrétiens se réfugient dans le quartier des Légations

 

L’impératrice douairière Cixi est initialement indécise face à ce mouvement. L’écraser signifierait l’aliénation de toute la population car cela signifierait une soumission chinoise à l’occident, mais les laisser faire entraînerait sans doute une intervention occidentale. La cour elle-même est divisée, jusqu’à ce que les Occidentaux fassent le premier pas et annoncent l’envoi de 20 000 hommes pour lever le siège. La Chine apporte alors son soutien aux Boxers.

 

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Onze légations, cinq cents civils et à peu près autant de soldats se partagent les 5,1 km² que représente le quartier. Il n’est que partiellement fermé, au nord-est par la Cité Impériale, au sud par les murs de la Cité Tatare. Ils disposent de trois mitrailleuses et d’un canon. Le ministre britannique Claude Mac Donald est désigné commandant de la défense, tandis que l’américain Herbert Squiers est désigné comme son chef d’Etat-major. D’une manière générale, les troupes d’un pays sont responsables de la défense de leur légation. Les Allemands et les Américains ont pris pied sur les remparts au sud.

 

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Je vous propose de vivre le siège du point de vue d’un marine américain (fictif), William B. Walker.

 

21 juin 1900 (tour 2)

Chez nous c’est resté calme, mais du haut du rempart, on a pu voir le grabuge du côté de la légation britannique. Des soldats ont découvert une mine au cours d’une de leur patrouille. Elle n’a pas explosé, mais les Boxers ont quand même attaqué. Ils étaient, quoi, quatre cents ? Le capitaine Myers nous a dit plus tard qu’il n’y avait pas de régulier chinois avec eux. Apparemment, l’Impératrice ne sait pas quoi faire de ces paysans. Ils se sont jetés droit sur les légations britanniques et autrichiennes, mais à la fin de la journée et à l’aide de renforts, ils ont été repoussés.

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26 juin 1900 (tour 7)

Le déjeuner a été interrompu par le son des canons. On a cru à une armée de secours, mais c’est sur nous que sont tombés les obus. Les légations allemandes et italiennes ont reçu le gros des tirs. Ils n’auraient jamais pu faire ça sans l’accord de l’Impératrice.

 

27 juin 1900 (tour 8)

J’étais en faction sur le rempart quand les obus nous sont tombés dessus. Ils tirent complètement au jugé. Cette fois ils n’ont pas fait de victimes, mais entassés comme nous sommes, la catastrophe n’est pas loin.

 

28 juin 1900 (tour 9)

J’ai perdu mon pari avec Murphy. Je pensais qu’ils allaient nous bombarder et nous affamer jusqu’à ce qu’on devienne fou, mais non. Ils ont attaqué peu avant midi. Par l’ouest, cette fois. Les Russes avaient préparé des positions en avant de leur légation, mais les Boxers les ont pris à revers. Myers nous a ordonné de rester sur notre position, des fois que cette attaque soit une feinte, mais le détachement qui était dans notre légation est allé prêter main forte aux Russes. C’était la panique dans les rues. Les Boxers ont pu entrer et incendier une partie des bâtiments, des civils courraient partout. Il a fallu cinq heures pour les repousser. Une odeur de brûlé flottait sur tout le quartier.

 

On a des blessés de toute nationalité, et Mac Donald est mort dans le bombardement préliminaire à l’attaque. Ça commence à devenir compliqué.

 

30 juin 1900 (tour 11)

Cinq jours de bombardement. On dirait qu’ils ont pris un rythme de croisière.

 

Et un nouvel assaut. Ils ont attaqué à l’est et s’en sont pris aux légations autrichiennes et italiennes. Apparemment, les autrichiens ont perdu leur mitrailleuse dans les premières minutes du combat et se sont fait déborder. Les combats se sont déplacés dans la légation française plus au sud, où les Anglais et les Français les ont accueillis. Les Allemands et nous sommes allés aider les Italiens.

 

Ces Boxers sont des fous. Ils n’ont que des lances ou des sabres comme arme, et nous foncent dessus. Un Chinois chrétien réfugié dans notre légation m’a dit plus tard qu’ils suivaient des rituels qui, pensent-ils, dévient ou neutralisent nos balles. Ils sont persuadés qu’ils ne mourront pas, ce qui les rend d’autant plus dangereux. Ils se déplacent en foule, ça donne un effet de masse. Le canon italien était bienvenu pour briser leur élan. Je comprends mieux que les russes, sans mitrailleuses, aient eu du mal face à eux.

On a tenu, mais les blessés et les morts s’accumulent, et nos positions se dégarnissent…

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En remplacement de Mac Donald, on a nommé le Lieutenant-Colonel Goro Shiba, un Japonais, comme chef de la défense. Non pas que ça change grand-chose à la situation.

 

5 juillet 1900 (tour 15)

Je ne sais pas ce qui se passe dans le camp d’en face, mais les bombardements ont presque cessé et il n’y a pas eu d’attaque. Ça nous laisse du temps pour soigner les blessés et les malades. Les premiers civils sont morts de maladie à cause du confinement et des incendies.

 

8 juillet 1900 (tour 18)

Il fallait bien qu’ils nous tombent dessus. Aujourd’hui, l’attaque était pour nous, sur les remparts. La muraille de la cité tatare fait 12m de large, notre position n’occupe pas plus de 40 mètres en profondeur. On vit à 40 dans cet espace, c’est à peine si on a assez de place pour faire tourner les troupes. On y a placé des barricades. Autrement dit, on s’est infligés l’enfer, mais on l’a aussi a promis à nos ennemis. Eh ben même avec ça ils ont pu neutraliser notre mitraillette et se sont jetés sur nous comme des fauves sur leur proie.

 

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Tous nos hommes sont venus. Et les Allemands, puis les volontaires, les Français, et même des Autrichiens privés de légation depuis une semaine. On s’est tous relayés sur le rempart. Ces fous furieux de Boxers ont essayé d’incendier les mirs  de leur cité ! Ils ne sont pas passés. La muraille est couverte de cadavres, et de notre côté ce n’est pas la joie non plus.

 

9 juillet 1900 (tour 19)

Les bombardements persistent, mais on a reçu une bonne nouvelle de la part du Lieutenant-colonel Shiba : l’Impératrice Cixi a signé une trêve avec nous. Les troupes chinoises quittent la zone et ne prêtent plus leurs canons aux Boxers. Mc Allister pense que ça signifie que le siège est fini. Moi je crois qu’il se fait des idées et que les Boxers vont revenir encore plus furieux.

 

10 juillet 1900 (tour 20)

Et qui avait raison ? Mc Allister me doit une tournée. C’est la même histoire qu’il y a deux jours, mais cette fois, il n’y avait pas d’étendard jaune. L’Impératrice tient parole. J’ai pris un coup de lance dans le flanc et un coup de sabre sur l’épaule. Par je ne sais quel miracle, j’ai encore tous mes membres et mon unité a pu me sortir de là. Myers m’a mis au repos forcé dans notre légation. J’aurai enfin un vrai lit.

 

12 juillet 1900 (tour 22)

J’ai pu discuter avec Francis Gamewell, un missionnaire qui nous a aidé à monter les barricades. Mac Donald l’a nommé « commissaire aux fortifications ». En plus de ça, sa mission s’occupe des malades et des blessés, aidés par les docteurs vivant habituellement dans le quartier. Certains prennent même les armes et défendent des positions. Myers est venu me voir. Apparemment, on m’appelle Lucky Billy dans l’unité suite à mon exploit de l’avant-veille.

 

15 juillet 1900 (tour 25)

Les blessés se remettent. Myers m’a réintégré sur le rempart. On s’habitue vite au confort… Les autrichiens ont essayé de réparer leur mitrailleuse, mais c’est peine perdue.

 

17 juillet 1900 (tour 27)

On a reçu des nouvelles des assiégés de la cathédrale de Peitang. Ils tiennent toujours malgré les attaques. Dieu est de notre côté.

 

Evidemment il fallait que j’écrive ça une heure avant un assaut. Le comité d’accueil était Allemand cette fois, et on est vite venus les rejoindre. Pas assez vite. Quand on est arrivés, ils étaient en train d’amorcer un repli vers les positions défensives de leur légation. On les a couverts avant de les rejoindre. Je ne sais pas ce qu’ils avaient ces Boxers-là, mais ils étaient rapides. Une fois descendus des remparts ils ont formé deux groupes. Le premier a incendié le sud de la légation allemande. C’est tout juste si on a pu couvrir les civils avant d’achever les boxers sur place. Le second a été accueilli par le canon italien et des troupes dans une position fortifiée.

 

Le soir on a discuté avec les Allemands. J’ai suggéré à Myers de poster 20 hommes de plus sur notre position, pour couvrir la mitrailleuse dans le premier choc. Il a tiré la gueule. « Vous n’êtes pas assez serrés là-haut ? ». Pas suffisamment pour arrêter le premier assaut Boxer. Faute de mitrailleuse, les Allemands ont dressé un nouveau plan de bataille en cas d’attaque contre leur position, avec une position de repli dans les ruines du sud leur légation. Shiba a posté une soixantaine de volontaires près du canal, rue des Légations. En cas de grabuge, ils ont ordre de rejoindre les positions américaines ou la légation allemande.

 

18 juillet 1900 (tour 28)

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« Nihao, motherfuckers ! »

* tatatatatatatatatatatatata*

 

Les choses sont bien plus simples avec une mitraillette fonctionnelle. Lucky Billy avait raison ! Le détachement supplémentaire a couvert la mitrailleuse suffisamment longtemps pour permettre aux renforts d’arriver. Les foules ne tiennent pas longtemps sous le feu d’une mitraillette. Quand les plus téméraires, à l’avant, tombent les uns après les autres, l’effet de masse perd en intensité, et l’arrière commence à se débander. A partir de là, les guerriers boxers tombent comme des mouches ou prennent leurs jambes à leur cou.

 

On a eu moins de pertes aujourd’hui. A force d’aller se soutenir les uns les autres, on finit par connaître les autres soldats du quartier et, mine de rien, en échangeant nos expérience sur les barricades, on s’améliore. Le moral est bon malgré ce presque mois de siège. L’impératrice nous a apporté des vivres et le nécessaire pour soigner nos blessés et les civiles enfermés avec nous. Ils se sont enquis de l’état de santé de la population. J’ai suggéré à Shiba de répondre « Pas encore massacrés » mais, s’il a ri de ma réponse, il ne l’a pas transmise. Tout cela signifie sans doute que le dénouement approche. Les Boxers ne vont quand même pas s’opposer à l’Empire ?

 

19 juillet 1900 (tour 29)

J’aurais dû la boucler. La politique, ça me dépasse. Aujourd’hui ils ont attaqué les légations italiennes et françaises par l’est. Tout ce que j’ai vu, c’est une masse informe de gens se déversant dans les rues et de la fumée sortant de nombreux bâtiments. Les Italiens, chassés de leur position, se sont déplacés au sud, dans la résidence de Hsu T’ung. La légation française est elle-aussi salement endommagée. Le capitaine Berthier nous a rapporté que les Boxers couraient dans tous les sens, allumant des feux au petit bonheur la chance, sans même chercher à se mettre à couvert et ignorant complètement leurs tirs. Ils ont rencontré  la même sale engeance que les Allemands avant-hier, on dirait.

 

On ne sait trop comment, la centaine de civils qui s’était réfugiée dans la légation française a réussi à éviter les flammes et les Boxers. Un jeune enfant Chinois qui travaille avec un missionnaire nous apporte de bonnes nouvelles. Les renforts devraient atteindre Pékin d’ici quatre semaines. Quatre semaines. C’est long, mais cela explique le geste de l’impératrice.

 

24 juillet 1900 (tour 34)

Les bombardements persistent. On a fini par s’y habituer. Cela plombe nos nuits, mais fait peu de victimes. Et puis, ce n’est pas comme si on passait de bonnes nuits, entassés sur ce rempart.

 

25 juillet 1900 (tour 35)

On a un nouveau canon ! En raclant les fonds de tiroirs pour des vivres, les Autrichiens sont tombés sur une vieille pièce d’artillerie qu’ils sont parvenus à restaurer. Ils l’ont sobrement appelé « Der Internazionale Kanon ». Mc Allister a suggéré « Betsy ». C’est mieux, c’est plus court et c’est plus affectueux, « Betsy ». On l’a placé sur le rempart avec les Allemands. Les Boxers vont avoir une sacrée surprise.

 

26 juillet 1900 (tour 36)

Ce matin, on a été réveillé par des cris. Des hurlements, pour être précis. Des Boxers, qui menaient une charge contre la  position allemande sur le rempart. Comme la dernière fois, nous sommes arrivés en renforts mais, contrairement à la dernière fois, les Allemands tenaient leur position grâce à Betsy. Dans le feu de l’action j’ai proposé de troquer Betsy contre notre mitrailleuse, mais bizarrement ils n’en ont pas voulu. Notre mitrailleuse brise les foules, alors imaginez un canon… Les Boxers ont tout donné, absolument tout, et pendant toute la journée. On a bien cru qu’on allait tous y passer, mais finalement on a tenu. Chaque mètre de terrain cédé, on l’a repris à la force de nos armes.

 

1er août 1900 (tour 42)

Cela fait près d’une semaine qu’il n’y a eu ni bombardement ni attaque. Si on ne les voyait pas à quelques dizaines de mètres de nous, on pourrait croire que les Boxers ont été chassés ou se sont enfuis.

 

14 août 1900 (dernier tour)

Vers 5h du matin, pendant mon quart, j’ai entendu des tirs venant de l’est. Des canons -pas ceux de d’habitude- puis le bruit des mitraillettes. Je suis allé voir les Allemands qui m’ont confirmé ce que j’en avais déduit : les renforts sont enfin là ! Impossible de les voir derrière le rempart extérieurs et intérieurs, mais ils sont bien arrivés.

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A 15h, un contingent anglais est passé par un fossé de drainage sous le mur de la cité tatare, suivi de peu par le général britannique Alfred Gaselee. Il est accueilli par le lieutenant-général Goro Shiba. Il n’a pas eu besoin de plus pour comprendre que Claude Mac Donald n’avait pas survécu. Deux heures plus tard, le général Chaffee est entré à son tour. Il est venu nous saluer sur les remparts. En voyant nos troupes comprimées dans un si petit espace, il comprit l’enfer que nous avions vécu. Il ne fit aucun commentaire, mais son visage, livide, en disait suffisamment long.

 

Nous étions 409 soldats début juin. 55 sont morts et nous avons eu jusqu’à 135 blessés, aujourd’hui soignés. 13 civils manquent à l’appel et 24 sont blessés ou malades. Je cherche en vain un motif militaire à l’échec des Chinois dans leur campagne d’extermination des étrangers. S’ils avaient consenti à sacrifier quelques centaines de vies en plus lors de chaque assaut, ils auraient bien vite éteint nos défenses et je ne serais pas en mesure d’écrire ces mots. Le fait est que, Dieu merci, les Boxers n’étaient pas si immunisés à la peur que cela.

 



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