Présentation
A l'origine de ce projet, un constat simple, mais qu'il convient d'étayer: il est probable que l'appréhension et les représentations du passé historique se réalisent aujourd'hui majoritairement à travers les environnements ludiques de l'univers des jeux vidéos et de l'industrie culturelle de divertissement liée au numérique.
Or s'il existe désormais en France une recherche active centrée sur les représentations de l'histoire dans les autres industries de l'entertainment de masse (cinéma, télévision, bandes dessinées), les jeux vidéos restent singulièrement absents du champ de réflexion des chercheurs et enseignants d'histoire. On a toutefois vu apparaître récemment - et de façon massive cette fois - la thématique des serious games dans le champ des didacticiens de l'histoire et des spécialistes de l'ingénierie pédagogique pour l'enseignement primaire et secondaire, des serious games qu'il conviendra d'ailleurs de questionner car les deux termes "serious" et "games" posent justement problème. A contrario, la recherche dans les pays anglo-saxons est beaucoup plus active même si elle est surtout le fait de chercheurs en anthropologie ou en communication.
Un des premiers objectifs sera de constituer un état des lieux des ressources et des références disponibles sur la question en établissant une bibliographie commentée et en repérant les chercheurs qui travaillent sur la question. Ensuite, nous définirons un certain nombre de problématiques et d'axes de recherche avec la finalité d'intéresser des étudiants et enseignants d'histoire, de façon à essayer de favoriser la prise en compte de cette problématique dans les instances universitaires. Il est par exemple prévu à moyen terme pour la rentrée 2014 de travailler ce dernier aspect avec des étudiants en L1 du département d'histoire d'une université parisienne pour en évaluer la validité dans un EC spécifique et dédié, à travers des investigations sous forme de workshop, avec des activités sur les formes et contenus des jeux de simulation historique, sur la nature de leur historicité ou sur leur idéologie sous-jacente. Cette dimension du projet n'est pas innocente car les débouchés des études d'histoire ne se cantonnent pas aujourd'hui à l'enseignement. On peut même imaginer l'émergence de formes de convergences plus fortes entre chercheurs et praticiens en science historique d'une part, et designers de jeu vidéo d'autre part.
Le dernier point à expliciter dans cette courte présentation: pourquoi implanter ce projet de blog sur un réseau de gamers ? Un des éléments importants des communautés de gamers, singulièrement les réseaux spécialisés dans les jeux de simulation à tonalité historique, réside dans leur grande activité et vitalité. A ce titre, ces communautés constituent en elle-même un champ d'observation très spécifique dont il convient de cerner la sociologie, les motivations et le degré d'appétence avec l'histoire. Il sera d'ailleurs nécessaire d'établir une interaction entre les experts de la science historique et les praticiens de ces jeux vidéos. Mais ces communautés sont aussi très créatives et ne sont pas seulement un champ d'investigation sociologique. Beaucoup de jeux de simulation historique sont en effet ouverts, dans le sens où ils peuvent être modifiés et améliorés par leurs utilisateurs et créateurs, à travers ce qu'on appelle les mods. Certains cherchent notamment à historiciser les jeux de base lorsqu'ils ne sont pas satisfaits par des mécanismes de jeu, d'autres élaborent des récits à partir de leur progression dans les jeux. Se font donc jour, à travers la pratique des jeux vidéos de simulation historique, des micro-fabriques de l'histoire tout à fait intéressantes, le joueur se transformant en co-concepteur d'un environnement ludique qui l'amène à découvrir l'histoire et une démarche critique tout en formulant une version personnelle qu'il cherche à rendre pertinente d'un point de vue historique. Ce point de contribution active de l'usager est l'une des grandes différences entre le jeu vidéo-historique et son pendant cinématographique ou livresque en terme d'imprégnation à l'histoire. Nous comptons donc créer des interactions croisées entre chercheurs/étudiants en histoire et gamers, d'autant que l'on peut faire le pari que la plupart des étudiants d'histoire (plus que les étudiantes, ce qui est aussi un autre sujet d'investigation sur le champ du genre en histoire) actuels sont des gamers avertis et assidus.
Je remercie Socros qui gère l'interface RGS de bien avoir voulu héberger ce blog sur son réseau.
9 Commentaires
Commentaires recommandés