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Uchronie polonaise, partie 2

Rhysaxiel

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La Pologne sous Louis Ier Condé / Ludwik I Burbon-Kondeusz (1669-1689)

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Réformes politiques

Le programme de Glogowa incluait une reprise en main du pouvoir par l’autorité royale, largement diminuée au cours du XVIe et XVIIe siècles. Condé, élevé en France, tente tout au long de son règle de présenter une synthèse entre l’absolutisme royal qu’il a connu auprès de Louis XIII et Louis XIV et la tradition républicaine de la Pologne. Selon ses propres mots, « La République ne peut avoir qu’une seule tête » et cette tête, le roi, doit être la seule à exercer ce que Montesquieu appellera plus tard le pouvoir exécutif. Il ne cherche pour autant pas à priver le Sénat et le conseil des ministres de leur pouvoirs respectifs. Ainsi, les lois et les nouvelles taxes sont toujours votées par des Diète qui se réunissent toujours de façon régulières, mais la déclaration de guerre, la signature de la paix ou l’attribution de charges se font, dès les années 1680, sans réunion du Sénat, par la seule Décision royale, nouveau principe basé sur le Senatus Consulta existant auparavant. Louis a également renforcé le rôle de la cour et l’attractivité de Varsovie en créant de nouveaux postes, offrant de nouvelles opportunités de carrière au sein de la capitale et, avec le soutien de la France, en réalisant de nombreuses dépenses somptuaires gonflant le prestige royal. Cela permit de lutter contre l’importance grandissante des réseaux de clientèle régionale des grandes familles, réseaux qui menaçaient d’éliminer purement et simplement l’autorité royale.

L’armée est également modernisée, de nouveaux arsenaux construits et des ingénieurs et officiers sont appelés de France pour développer la poliorcétique au sein des écoles militaires, un art ayant cruellement fait défaut au sein des armées polonaises par le passé. Louis ne parvient toutefois pas à tout à fait éliminer les liens de clientèle ni à interdire les armées privées sur lesquelles les familles s’appuient. De même, il n’essaie pas de remettre en cause les restrictions quant à la promotion des étrangers dans l’armée, de peur de s’attirer les foudres de la noblesse déjà très échaudée par ces changements. Les réformes débutent au cours de l’année 1675, l’argument principal du roi étant la survie de la République après la période catastrophique du Déluge suédois de 1655-1660 qui, combiné au soulèvement cosaque débuté en 1648, à l’attaque de la Russie en 1654, à la guerre civile déclenchée par Lubomirski en 1665, puis à l’attaque ottomane en 1672 ont manqué de tout emporter. Les réformes sont votées par deux Diètes successives, en 1676 et 1680, donnant naissance à ce que les historiens polonais ont appelé la « Première Modernisation » de la Pologne. Condé a toutefois veillé à mettre fin aux deux conflits restants : contre les cosaques de la rive gauche et la Russie.

La fin de la guerre russo-polonaise

Une victoire décisive contre les Cosaques à Kamieniec en 1670 force ces derniers à demander la paix, qui est accordée selon les principes du traité d’Hadiach de 1658 : les cosaques se soumettent intégralement à la République (y compris la rive droite revendiquant son attachement à la Russie) en l’échange de l’enclenchement de réformes visant à faire de la Ruthénie une composante de la République similaire à la Pologne et la Lituanie, devant aboutir à une République des Trois Nations. Les combats contre la Russie ont lieu jusqu’en 1672, où la paix d’Androussovo est signée (historiquement une simple trève en 1667). La Russie abandonne ses revendications sur la rive gauche du Dniepr et les territoires cosaques correspondants et reconnaît la souveraineté polonaise sur l’Hetmanat cosaque en l’échange de la restitution du voïvode de Smolensk à la Russie. Au cours de ce conflit, Jean Sobieski, gentilhomme polonais marié à une Française, se distingue brillamment à la bataille de Podhacje et, à partir de 1672, devient de facto le commandant en chef des armées polonaises, avec la bénédiction du roi, alors que l’Empire Ottoman attaque à son tour la Pologne.

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(en rouge, le territoire « non perdu » sur les cosaques)

La guerre turco-polonaise de 1672-1676

Cette guerre n’est que l’aboutissement d’un conflit larvé avec comme principale zone de guerre les Plaines Sauvages du sud de l’Ukraine et comme catalyseur les rivalités entre Cosaques et Tatars. L’invasion de l’Ukraine par l’Empire ottoman en 1672 n’est pas une surprise, mais les troupes disposées dans la région sont dans un premier temps trop peu nombreuses pour résister durablement. Sobieski ordonne le repli vers Lublin, laissant après quelques combats retardateurs l’Empire ottoman prendre la forteresse de Kamieniec Podolski. A Varsovie, le roi intervient directement au Sénat pour obtenir la levée de taxes et de troupes pour repousser l’envahisseur. Soutenu par les propriétaires terriens de Ruthénie, notamment la riche famille Wisnioziecki, et plus généralement par les Ruthènes favorables au projet de République des Trois Nations, le Sénat fournit à Sobieski plusieurs dizaines de milliers d’hommes que le chef de guerre met en marche en 1673 contre les Turcs. Ceux-ci cèdent dans un premier temps les territoires conquis l’année précédente, avant d’être envahis à leur tour alors que les Polonais envahissent le Khanat de Crimée et la Moldavie, vassale des ottomans. Les Turcs demandent la paix alors que les Polonais atteignent la mer Noire et le village de Khadjibey. La paix signée à Żurawno, voit la Pologne accéder à la mer Noire par la cession du Yedisan tatare ainsi que l’obtention d’un accès libre au Dniestr dont la rive droite est contrôlée par la Moldavie voisine et au Dniepr dont la rive gauche est en Tatarie. Les territoires conquis sont largement inhabités, hormis sur les côtes et le long des fleuves, ce qui fait la fortune de plusieurs familles ruthènes venues acquérir ces terres dans les décennies qui suivent.

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(le Yedisan, région conquise par la Pologne en 1676)

La Grande guerre Turque (1682 – 1699) et l’intervention polonaise (1683-1685)

L’Empire ottoman, libéré de tout conflit avec la Russie, pose de nouveau ses yeux sur l’Autriche. Il trouve un allié de circonstances en la personne de Louis XIV, alors en pleine politique des Réunions, qui recherche des Etats susceptibles de maintenir la pression contre l’Autriche et le Saint Empire. Ainsi, la France soutient ouvertement les Mécontents de Hongrie. La Pologne fait également partie de ces Etats alliés de la France, mais après quelques mois de conflit, la perspective de gains contre l’Empire ottoman combinée à la fin de la politique française des Réunions conduit Louis à venir porter secours à l’Autriche, sans pour autant rallier la Sainte Ligue, formée en 1684 au nom du catholicisme contre la Sublime Porte.

En 1683, les ottomans sont aux portes de Vienne dont ils font le siège à partir de juillet. L’armée impériale avait prévu la possibilité d’un assaut direct contre sa capitale, la ville est prête à soutenir le siège. Charles V de Lorraine, chargé de retarder l’avancée ottomane, est bousculé et bat en retraite en attendant les renforts devant d’Europe. Louis de Pologne envoie Sobieski à la tête de 60.000 hommes, tandis qu’une seconde armée menée par Louis en personne est mise sur pied pour une offensive en Moldavie. Lors de la bataille de Vienne, les troupes de Charles de Lorraine sont temporairement placées sous le commandement de Sobieski qui défait les Turcs et les poussent à lever le siège et se replier. Les armées impériales foncent alors en Hongrie avec, dans un premier temps, le soutien de Sobieski. Louis entre en Moldavie où les ottomans refusent le combat. A l’été 1684, le Pasha de Moldavie est renversé. Sobieski quitte la Hongrie pour attaquer la Transylvanie, autre royaume sous tutelle ottomane, tandis que Louis atteint le Danube avant l’hiver. Les Turcs, surpris que la Pologne ne se soit pas rallié à la Sainte Ligue, proposent alors de négocier la paix. Celle-ci est signée à Silistra et voit la cession de la Moldavie et de la Silistrie-Özi ottomane au nord du Danube à la Pologne. Il reconnaît également la souveraineté polonaise sur les Cosaques.

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Paix de Silistra.

Le retrait polonais permet à l’Empire Ottoman de concentrer ses forces et contre-attaquer en Hongrie, mais le reste se de la guerre se déroule comme historiquement, l’influence ottomane dans les Balkans est largement entamée. L’Autriche récupère la Hongrie après le ralliement des Mécontents à l’Empereur, ainsi que la Transylvanie. Venise récupère également quelques territoires en Morée.

Fin de règne et passation de pouvoir

Les années suivant la Grande guerre turques sont des années de paix et de consolidation en Pologne, que le roi consacre au développement économique du royaume et à l’intégration de la Ruthénie. Les structures féodales en vigueur en Pologne persistent, mais le calme de ces dernières années permet la reconstruction des villages détruits par les Suédois, Tatares et Cosaques et le développement d’une petite classe moyenne urbanisée ainsi que d’un embryon d’industrie. Le potentiel minier de la Pologne est reconstitué, mais le pays reste avant tout un pays agricole, alors que les rendements du blé s’effondrent en fin de siècle. Le servage a toujours cours, et si le roi est parvenu à enrayer son développement, la paysannerie vit néanmoins dans une misère sans égal en Europe.

Il prend sous son aile son petit-fils, Louis III de Bourbon-Condé, qu’il fait venir en Pologne l’âge de 10 ans en 1678. Il suit une éducation largement française par le biais de Pierre des Noyers, ancien secrétaire de Louise-Marie de Gonzague, français féru de sciences et définitivement installé en Pologne après la mort de la reine. Le roi met un point d’honneur à voir son successeur parler un polonais parfait et connaître en détails les grandes familles et l’organisation de la République. La vision de Louis est d’en faire principalement un roi de paix. Le jeune Louis est marié en 1685 à Louise Françoise, Mademoiselle de Nantes, dernière fille encore vivante de Louis XIV et de Madame de Montespan. La Diète d’élection, convoquée par Louis en 1687, voit sans la moindre surprise l’élection de son petit-fils, le roi ayant mis tout son crédit en jeu. La succession française est assurée.

Louis Condé s’éteint en septembre 1689 (historiquement 1686 des suites de la petite vérole ou d’un épuisement généralisé). A l’issue de son règne, la Pologne est parvenue à se relever du Déluge suédois mais est encore un Etat fragile aux structures économiques et politiques archaïques et dont la volatilité de la noblesse est toujours une source potentielle de désastres. La frontière austro-polonaise s’étend désormais le long de la totalité des Carpates, tandis que la frontière turco-polonaise est réduite à quelques kilomètres le long du Danube et en Vallachie à l’ouest. A l’est, la frontière est nettement moins bien définie, avec encore de nombreuses approximations au sujet de la frontière avec la Russie et à cause mode de vie tatar qu’il est difficile d’enfermer derrière une frontière. A 21 ans, soit deux ans de moins que Henri de Valois, Louis II Condé devient roi de Pologne, le plus jeune de toute l’histoire de la République.



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