Uchronie polonaise, partie 4
La Pologne sous Ludwik II Kondeusz (1689-1740) - Seconde partie (1721-1740)
Vers une nouvelle modernisation (1721-1727)
La Pologne sort de ces deux conflits très largement épargnée : pour la première fois depuis longtemps, l’ennemi n’a pas posé le pied sur le territoire de la République. Son roi se retrouve auréolé d’un prestige immense, qu’il consacre largement à son agenda politique. Fidèle à l’engagement de son grand-père, Louis II, qui se fait désormais appeler Ludwik II, s’engage à partir de l’année 1721 à l’intégration définitive de la Ruthénie. Ce projet rencontre plusieurs oppositions, tout d’abord au sein des noblesses polonaises et lituaniennes, pour qui l’égalité de droits offerte en 1696 constitue un maximum tolérable et souhaitable. Au sein même de la noblesse ruthène, des voix s’élèvent contre l’intégration à la République et demandent au contraire l’indépendance totale de la Ruthénie. Cette opposition a été tout d’abord incarnée par l’hetman Ivan Mazepa, partisan du dialogue avec le roi de Pologne. Décédé en 1715, c’est un officier cosaque d’ascendance Tatare, Vassili Vassilievitch Kotchoueï, qui prend la tête de l’opposition. Nettement plus enclin à l’action armée, il accompagne ses revendications d’indépendance de menaces de guerre civile. Ludwik II joue l’apaisement et tente de rallier le Cosaques et Ruthènes partisans de la solution à trois nations. Le roi obtient l’élargissement du registre Cosaque, permettant à un plus grand nombre d’homme de servir la couronne et de percevoir une solde du roi. La noblesse polono-lituanienne s’est longuement opposée à cet élargissement qui était un des motifs du soulèvement de Khmelnitski de 1648 car un tel acte gonflait l’armée royale, réduisant mécaniquement la puissance des armées privées. Mais avec la disparition de la plupart de ces armées, seules quelques familles sont encore opposées au roi sur ce point, aussi la Diète put-elle valider l’élargissement du registre en 1722. Perdant du terrain en politique, Kotchoueï cherche des appuis à l’extérieur du royaume. Il se tourne d’abord vers les Tatars de Crimée et leur suzerain ottoman en 1725, puis vers la Russie en 1726. Un accord secret lie le Cosaque à ces deux pays, prévoyant une attaque conjointe contre la Pologne pour libérer les territoires tatares et cosaques sous domination polono-lituanienne. La défection d’un proche de Kotchoueï, Danylo Apostol, informe la Pologne d’une partie de ces tractations. La Diète de 1726, réunie à l’automne, est largement consacrée à ces informations et à la situation en Ruthénie. Outre les troubles occasionnels provoqués par les partisans de l’indépendance, le roi appuie fortement sur les révélations d’Apostol pour convaincre les Polonais et les Lituaniens de la nécessité de prendre une décision, plus de cinquante ans après la promesse de Louis Ier. La Diète s’achève sans décision, Apostol étant accusé d’avoir entièrement inventé les informations qu’il prétend détenir. Il faut attendre l’attaque conjointe de la Russie et de l’Empire ottoman pour débloquer la situation.
Les réformes administratives reprennent avec la paix. La réintégration de la Prusse ducale en tant que fief, après de nombreuses années d’une gestion soignée par les Hohenzollern, appuie les projets de Ludwik II. Le contexte aidant à une diminution de la charge de travail touchant les paysans, la frange la plus aisée de la paysannerie, ou celle produisant des denrées se vendant à bon prix, négocie avec les seigneurs le principe d’une location de la terre où les paysans sont libre de la travailler à leur guise en échange d’une rente en argent payée aux seigneurs. Ceux-ci s’exemptent ainsi de la lourde gestion des revenus et de la revente des biens produits sur leurs terres tout en gardant un substantiel bénéfice, permettant le maintien de leur niveau de vie. Les gains de productivité sont ainsi croissants en Grande Pologne et en Prusse royale, premiers territoires à appliquer ces principes. En deux décennies, ce fonctionnement s’étend à toute la Pologne, la Lituanie et la partie nord du palatinat de Kiovie. Le roi profite ainsi du retrait progressif de la noblesse sur leur seuls domaines familiaux pour élargie le pouvoir des institutions locales. La Diète de 1722 octroie ainsi aux châtellenies (subdivisions des palatinats) l’exercice de la justice et la gestion économique sur son territoire. L’exercice de la justice est largement simplifié, avec la disparition des nombreuses cours particulières, remplacées par les cours châtelaines et les cours palatines. Les cours suprêmes de Pologne, de Lituanie sont maintenues, puis, à partie de 1734, complétées par celle de Ruthénie.
La guerre de Ruthénie (1727-1730)
La guerre débute par une insurrection armée à l’été 1727 sur la rive droite du Dniepr. Kotchoueï rallie tous ses partisans et, à l’aide d’armes fournies par la Russie, attaque la région. Chernigov et Poltava tombent, l’armée polonaise étant stationnée à Kiev, de l’autre côté de la rivière. Adam Mikołaj Sieniawski, devenu grand Hetman, prend la tête de cette armée et marche contre Kotchoueï. Défait une première fois devant Poltava, Sieniawski le poursuit jusqu’à Tchernigov qu’il refuse de défendre, fuyant en territoire russe. Pierre II, sous l’influence de Menshikov, homme fort de la Russie, rejette les demandes polonaises de lui livrer le chef rebelle, et envoie une armée forte de 60.000 hommes contre Sieniawski qui est battu devant Tchernigov. Le grand hetman se replie sur Kiev, abandonnant la majeure partie de la rive droite du Dniepr. Les Cosaques défendant le sud de la frontière offrent une résistance opiniâtre au fortin de Pavlograd, construit par les Cosaques quelques années plus tôt, et à Lozova, également fortifié les décennies précédentes par les colons de Ruthénie. A l’arrivée de l’hiver, ces places fortes tiennent toujours, et gênent considérablement les plans de la Russie qui ne peut marcher contre Sieniawski. Le soutien de la population cosaque promis par Kotchoueï est également absent. Pendant l’hiver, le Sénat polonais vote la levée d’une seconde armée pour faire face à la Russie, armée dont le roi et le petit général Stanisław Chomętowski prennent la tête. Au printemps, l’armée se met en mouvement vers Tchernigov qui est reprise sans combat. L’armée russe est paralysée par les événements se déroulant à Saint-Petersbourg : le prince Menshikov est tombé en disgrâce et envoyé en Sibérie sous la pression de la vieille noblesse russe. Le jeune tsar s’avère peu intéressé par la gestion de son Etat et ses proches, le prince Aleksey Dolgorukov et son fils Ivan, l’incitent à les suivre dans leur train de vie léger, loin des responsabilités de la cour.
Personne n’ose prendre de décisions importantes de peur de sanctions de la part du tsar, aussi la petite armée russe en l’absence d’ordres, recule devant l’armée polonaise, refusant le combat et se retirant en Russie même. En parallèle, l’Empire ottoman remplit à son tour son engagement, entrant en Moldavie, passant le Danube depuis Silistra et ordonnant à ses vassaux de Crimée de lancer des raids sur le territoire polonais. Tout comme les Russes avant eux, les Tatars butent contre les fortins cosaques, servant de point d’appui à de petites troupes de cavaliers pouvant intercepter les détachements tatars. Ceux-ci pillent quelques villages à la frontière avant de se replier faute de cible accessible et de se lancer dans un raid contre le territoire russe. L’attaque au travers du Danube manque de tourner au désastre pour l’Empire ottoman qui, privé du moindre effet de surprise, voit ses troupes harcelées par de petites embarcations cosaques alors qu’elles traversent la rivière. Une fois de l’autre côté, les fortins s’avèrent être des cibles difficiles, forçant l’armée ottomane à mener de nombreux sièges tout en affrontant la mobilité cosaque sans grand gains. Les Turcs ont plus de succès en Moldavie où ils entrent sans grande résistance. Sieniawski est envoyé d’urgence défendre la Moldavie, mais il lui faut plusieurs semaines de marche pour atteindre l’armée turque, temps mis à profit pour prendre Chisinau et Iasi. Ludwik II se maintient face à la Russie et profite des troubles en Russie pour envoyer une délégation proposer une paix blanche. Les Cosaques défendant la rive gauche pétitionnent auprès du roi et du Sénat, demandant de lancer leurs propres raids en Crimée en représailles du raid Tatare. Le roi le leur accorde, les Cosaques passant ainsi l’été et l’automne à ravager la Tauride. Sieniawski défait l’avant-garde de l’armée ottomane près de Suceava et contre-attaque. Iasi résiste jusqu’à la fin de l’hiver au siège que lui impose l’armée polonaise. La Russie, suite à la proposition polonaise, se retire du conflit au début de l’année 1729, laissant les mains libres à Ludwik II contre l’Empire ottoman. Le Tsar accepte même de livrer Kotchoueï, qui se suicide peu avant sa capture.
Ludwik atteint le Yedisan au début du printemps, lançant une offensive contre l’armée ottomane près du Danube. Les Turcs sont lourdement défait à Czernawoda, les forçant se retirer. Les glaces qui encombrent encore le fleuve transforment la retraite ottomane en désastre, la cavalerie lourde polonaise fait des ravages parmi les fuyards et bloquent les routes. Ceux qui ne sont pas fauchés par les hussards se noient dans le Danube. Les 40.000 hommes de cette armée sont tous morts ou faits prisonniers. La seconde armée en Moldavie se retire pour éviter l’encerclement. Une délégation ottomane arrive à l’été, alors que Ludwik renouvelle le droit aux cosaques d’attaquer la Tauride. Les deux armées polonaises entrent en territoire ottoman, pillant les villages frontaliers de Bulgarie et réduisant Varna en cendres. En position de force, Ludwik accepte un cessez-le-feu et des négociations. Celles-ci traînent quelques mois, l’Empire ottoman n’acceptant qu’une paix blanche, tandis que Ludwik insiste pour que la souveraineté turque sur les Tatars de Crimée cesse et que l’Empire cède la ville de Silistra, sur la rive droite du Danube. La Porte cède face à la menace de nouvelles attaques. La paix est signée à Varna en février 1730 selon les termes polonais.
Dix ans de calme (1730-1740)
Ce conflit, prouvant a posteriori les affirmations de Danylo Apostol, permet de faire taire l’opposition au projet de Trois Nations. La Diète de 1734 vote l’Union de Kiev. La Ruthénie devient par ce texte le troisième Etat de la République. La souveraineté de cet Etat s’étend sur les palatinats de Kiovie, Tchernigovie, Bratslavie, Moldavie et Yedisan. Les lois et privilèges en vigueur sont immédiatement appliqués à la Ruthénie, incluant la création d’une cour de haute justice pour la Ruthénie à Kiev, jugeant en appel toutes les affaires judiciaires de l’Etat. Le titre de Grand Prince de Ruthénie est créé, désignant le souverain de la Ruthénie. Sur le modèle des ministres polonais et lituaniens, huit postes de ministres sont créés pour la Ruthénie, l’Hetman cosaque élu par ses pairs recevant automatiquement la charge de grand général de Ruthénie. De même, les palatins et principaux castellans de Ruthénie sont élevés au rang de sénateur.
Seule ombre au tableau au règne de Ludwik II, il est pendant très longtemps sans héritier. Après la guerre de Ruthénie, il semble de plus en plus évident que la princesse Ludwika-Elżbieta née en 1702 serait son seul enfant et que la Diète d’élection s’annoncerait agitée. Malgré des protestations émises par les membres les plus conservateurs de la noblesse, l’absence d’alternative crédible à la candidature de la princesse joue en sa faveur. Une première diète convoquée en 1722, n’aboutit pas, mais le roi y obtient néanmoins l’aval du Sénat à ce qu’une femme puisse monter sur le trône de Pologne de droit. Il prit pour cela exemple sur les cas de Jadwiga Andegaweńska et d’Anna Jagiellon, respectivement couronnées Roi de Pologne en 1384 et co-régente de Pologne-Lituanie en 1575. Le Sénat émis néanmoins la condition que la princesse ne devrait être mariée qu’avec une personne choisie par le Sénat, comme il est de rigueur pour les rois de Pologne élus avant d’être mariés. En 1728, une nouvelle diète d’élection est organisée, diète à laquelle, pour la première fois, aucun autre Etat étranger n’a présenté de candidat. La France voit d’un œil favorable le maintien des Bourbons en Pologne tandis que les candidats prussiens, autrichiens et suédois étaient Persona Non Grata en raison des guerres récentes. En Russie, la confusion politique caractéristique du début du règne personnel de Pierre II fait que le Tsar ne présente aucun candidat, après avoir prétendu lui-même à la couronne de Pologne, prétention rejetée en bloc par le Sénat. A la mort de Ludwik II en 1740, Ludwika-Elżbieta devient roi de Pologne, Grand-Duc de Lituanie et Grand Prince de Ruthénie sous le nom d’Elżbieta. Les titres sont maintenus à titre temporaire au masculin car elle est souveraine, et non reine consort. La Diète de couronnement a également pour objet de finaliser la titulature de la souveraine.
0 Commentaire
Commentaires recommandés
Il n’y a aucun commentaire à afficher.