[Le Temps des As] - L'escadrille des Bleus
Voici comme promis ma participation au concours de mini AAR 2017 ! Vous avez remarqué avec mon dernier récit que je suis assez fan d'opération aéronavales. Aussi, après Command : Modern Air Naval Operations, je vous propose une partie sur le Temps des As, un jeu sur combats aériens de la première guerre mondiale paru dans deux numéros de Vae Victis, partie qui aurait pu s'appeler "Commandement : opérations aéronavales anciennes"
12 mai 1917, au large de Zeebrugge
Le port de Bruges, ou Zeebrugge, est exploité par la marine Allemande comme base de sous-marins. C’est de là que partent les submersibles menaçant le commerce britannique ainsi que les navires de l’Entente dans la Manche. Faute de pouvoir reconquérir la ville de Bruges et son port dans des délais raisonnables, la Royal Navy a décidé de mener un bombardement naval contre les installations côtières. Sous le commandement du Vice-Amiral Sir Reginald Bacon Trois monitors, le Marshall Soult, le Terror et l’Erebus, de la Dover Patrol, doivent bombarder le port, et plus particulièrement les portes du canal de Bruges menant audit port, guidés en cela par deux appareils d’observation du Royal Naval Air Service. Sans eux, les navires sont aveugles. Pour couvrir ces deux appareils et les deux autres devant les relayer au cours de la journée, le 4 (Naval) Squadron déploie plusieurs Sopwith Pup.
Ces avions sont un petit bonheur à piloter : légers et maniables, ils sont toutefois légèrement armés avec leur mitrailleuse unique. Leur surnom de "Pup", chiot, vient sans doute de la docilité de l'appareil. Son nom officiel est en effet Sopwith Scout.. La Dover Patrol elle-même est couverte par les Sopwith Triplane du 10 (Naval) Squadron. Leur principal avantage réside dans leur capacité à voler haut et vite.
La première patrouille des Pups est sans histoire : aucun avion allemand ne vient les attaquer tandis que les deux avions d’observation guident les tirs des navires. La deuxième est prise à parti par des Albatross D.III allemands. Ils n’ont pas la maniabilité ni la solidité des Pups, mais une puissance de feu accrue. C'est sur cet avion qu'Ernst Üdet a fait sa réputation. Le duel qui s’annonce est un cas classique de force brute contre manœuvrabilité. Sept Pups et plusieurs Triplane se retrouvent face à quatorze Albatross.
Le bal aérien peut commencer !
Notre histoire ne concerne qu’une portion de la bataille : à l’ouest du port de Brugge, trois pilotes britanniques fraîchement sortis de l’entrainement affrontent quatre chasseurs allemands eux aussi novices. Les quatre avions allemands sont en formation berger : le pilote le plus expérimenté vole plus haut que le reste du groupe pour avoir une vision globale de l’affrontement à venir. Le chef, volant plus haut, a ainsi l’initiative.
Les pions sont numérotés de 1 à 5, à droite de la silhouette de l'avion, en rouge pour l'Alliance, en bleu pour l'Entente, pour permettre de se rappeler qui est qui.
- Albatros 1 est Franz Bergman. Un joyeux drille avec une tendance à la prise de risque inutile. Il a un talent particulier pour manœuvrer à la limite du décrochage.
- Albatros 2 est Gunther Fricht. Un Bavarois très patriote avec d’excellentes capacités d’observation pour un bleu.
- Albatros 3 est Albert Rossmann. Sans aucun doute le maillon faible de cette escadrille, il est très précautionneux, sans doute trop pour piloter un avion de chasse.
- Albatros 4 est Manfred Grussenberg. C’est le plus expérimenté du groupe. Par « expérience », il faut comprendre qu’il a déjà piloté trois fois en conditions réelles, mais sans jamais abattre d’avion.
Les Britanniques sont dispersés. Le Triplane est isolé des deux autres Pups mais devrait pouvoir les rejoindre rapidement.
- Triplane 1 est William Radford, un habitué des patrouilles maritimes mais qui n’a jamais encore piloté le Triplane.
- Pup 2 est Chris Paddington, un pilote qui a marqué son instructeur par sa propension à se lancer dans des figures improvisées avec ses appareils d’entraînement.
- Pup 3 est Robert Murray, un londonien taciturne et plutôt efficace, allant souvent au plus court et au plus simple dans ses décisions.
- Breguet 14 n°5 est l’appareil d’observation, il ne participe pas au combat sauf pour éventuellement être abattu. Les deux pions navires sont ici pour le decorum, ils n’ouvriront pas le feu sur les Albatros qui, sans bombe, ne peuvent rien contre eux.
Les Pups profitent de leur meilleure maniabilité pour se mettre en position d’intercepter les Albatros sur leur gauche, qui choisissent quant à eux de continuer tout droit avant de virer vers les Pup. Le but ? Affronter chaque appareil britannique à 2 contre 1. Murray ouvre le feu en premier grâce à sa manœuvre. Les balles touchent Bergman mais ne font que des dégâts superficiels. Radford vire et fonce droit sur la formation ennemie. Tout juste à portée, il ouvre le feu sur Grussenberg. Un éclat de balle se fiche dans la mitraillette de l’Albatros et la déforme. Pas de doute possible, elle est inutilisable !
Les Albatros n’hésitent pas à contre-attaquer. Grussenberg et Murray se font face, se mitraillent, évitent la collision de peu… Une balle traverse l’épaule de Murray qui serre les dents, tandis que l’Albatros allemand est indemne. L’avantage d’avoir deux mitrailleuses est ici visible. Bergman et Fricht ouvrent le feu sur Paddington mais ne parviennent pas à le toucher en faisant des dégâts significatifs. La contre-attaque ne produit rien. Paddington use de sa vitesse et de la maniabilité de son appareil pour opérer un renversement. En quelques secondes, il se retrouve dans le dos de deux Albatros ! Privé d’une partie de sa puissance de feu, Rossmann panique et tente de se désengager, mais Murray se lance à sa poursuite.
Le combat commence très mal pour les pilotes allemands. Trois de leurs avions sont suivis de près par les britanniques, seul Grussenberg a ses six heures de sûres, et encore a-t-il un Triplaneà dix heures.
Notez l'usage de disques en lieu et place de pions fournis dans le jeu pour indiquer l'altitude et ne pas surcharger le plateau
Murray suit Rossmann de près mais ne parvient pas à l’abattre, son bras est de plus en plus douloureux et l’Albatros est solide. Voyant que le pilote allemand se replie sur ses bases et de peur de tomber dans un traquenard, Murray fait demi-tour pour prêter main forte à ses compatriotes et profite du calme autour de lui pour gagner de l’altitude. Le renversement de Paddington a été utile : il endommage coup sur coup les appareils de Bergman et Fricht, déchirant ou arrachant leur voilure alors que ceux-ci tentent de lui échapper en prenant deux trajectoires opposées. Dans cette situation, les Pup, déjà plus maniables, vont pouvoir danser autour des Albatros ! Radford a moins de chance, Grussenberg endommage son avion dans un duel en face à face qui tourne, encore une fois, à l’avantage des Allemands. L’Albatros parvient en plus à se placer dans ses huit heures. N’est pas Georges Guynemer qui veut.
Radford accroche la queue de Bergman, mais ne parvient pas à le toucher. Grussenberg ajuste sa position, il est désormais dans les six heures du Triplane. Paddington profite toujours de sa position avantageuse mais manque ses tirs. Il est surpris par une bourrasque qui l’emporte plus loin qu’il ne n’aurait souhaité et tente de compenser sa survitesse en prenant de l’altitude. Non seulement il manque sa cible deux fois, il perd en plus son avantage : Fricht a désormais la possibilité de renverser la vapeur malgré son avion endommagé ! Murray mets les gaz. Il découvre la situation difficile de ses alliés.
Il assiste impuissant à un renversement de vapeur. Paddington est toujours poussé par le vent et offre désormais sa queue à Fricht qui tire mais ne parvient pas à le toucher. Radford place quant à lui Bergman dans son viseur, mais au moment d’ouvrir le feu, les balles de Grussenberg fendent son appareil en deux. Sans sa queue, le Pup n’a plus aucune stabilité et fonce droit sur l’eau en vrillant. L’avion s’écrase en mer, tuant son pilote sur le coup.
Murray arrive enfin à portée de tir d’un avion allemand. Il serre les dents, pointe son nez vers le bas, laisse l’appareil gagner en vitesse, met Grussenberg en joue, tire… Et détruit l’appareil en quelques rafales à peine ! Les coups disloquent la structure et criblent de balles son pauvre pilote qui n’a rien vu venir. Bergman a bien tenté d’ouvrir le feu sur le Pup, mais de si loin, il est peu probable de toucher quoi que ce soit. Fricht tente de poursuivre Paddington mais perd trop de vitesse dans ses virages, la faute à sa voilure endommagée, et ne peut correctement l’aligner à cause de la différence d’altitude.
Plutôt que de capitaliser sur sa vitesse, son altitude et la meilleure maniabilité de son appareil, Paddington se lance dans une nouvelle manœuvre. Derrière lui, Fricht voit le Pup partir en chandelle, faire un demi-tour tout en prenant de l’altitude avant de lui tirer dessus. Plutôt que de laisser la manœuvre se terminer, il ouvre le feu, touche l’appareil, arrache plusieurs élément de fuselage mais l’avion poursuit sa manœuvre, endommagé mais toujours aussi agile. Paddington met les gaz, tire à bout portant et perfore le fuselage sur toute la longueur de l’appareil avant d’enflammer le réservoir. L’Albatros se transforme en boule de feu et se disloque. Murray, qui venait de se positionner pour se lancer à la poursuite de l’avion allemand, se fait chiper une victoire. Derrière lui, Bergman se place dans ses 6 heures, mais il est trop loin, et surtout trop lent, pour être une quelconque menace.
Murray profite de sa vitesse pour imiter quelque peu Paddington : malgré son bras toujours plus douloureux, il effectue un renversement et fait désormais face à Bergman. Les mitrailleuses des deux avions crachent leurs munitions, les impacts de carlingue se multiplient… Et l’Albatros cesse de tirer. Son pilote vient de recevoir deux balles en pleine tête. Sans direction, l’avion commence à piquer et rouler, envoie son pilote en chute libre, et s’écrase en mer.
C’est une victoire pour l’Entente. Malgré leur infériorité numérique et leur relative désorganisation, les pilotes ont pu mettre à profit la maniabilité supérieure de leur appareil pour tenter des manœuvres audacieuses à même de leur donner l’avantage. La patrouille allemande n’a jamais inquiété l’observateur et perd trois Albatros contre un seul Triplane abattu. Les deux Pups, s’ils sont endommagés, restent entiers. Paddington rentre avec une première victoire à son actif et confirme sa réputation de voltigeur un peu fou. Murray auréolé de deux victoires, ne peut descendre de son avion sans assistance : l’adrénaline retombant, il perd connaissance sous la douleur. Quelques heures plus tard, il se réveille à l’infirmerie, le bras en bandoulière, bon pour quelques jours de repos.
Une troisième patrouille abat un hydravion tandis qu’une quatrième repousse une attaque de deux autres hydravions équipés de bombes. Malgré la présence de l’avion d’observation au-dessus de la cible, le bombardement s’avère inefficace. De nombreux obus n’ont pas explosé, limitant la qualité des retours radio de l’observateur. La cible, les deux portes d’entrée du canal de Bruges, est de plus très petite, trop pour être précisément ciblées par l’artillerie navale, même avec correction. Le vice-amiral Bacon quitte la côte belge en pensant avoir suffisamment endommagé le port, mais une mission de reconnaissance quelques jours plus tard révèle qu’il n’en est rien. La plupart des obus sont tombés autour des portes sans les endommager, et si quelques docks et un bassin ont été touchés, le port reste opérationnel. L’opération est un échec. Le vice-amiral retente l’expérience quelques jours plus tard contre Ostende, une cible de taille correcte et plus sensible aux bombardements côtiers.
L’expérience acquise est utile pour la conception et la réalisation des raids de Zeebrugge et d’Ostende de 1918. Pour les bleus du 4 (Naval) Squadron, en revanche, l’heure est à la célébration.
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